Carrière professionnelle : GÉNÉRALISTE ou EXPERT ? Qu’est-ce qui est mieux ?

Le monde d’aujourd’hui est caractérisé par la hyperspécialisation. Que ce soit dans le sport, en musique, ou même dans une carrière en entreprise, si on veut avoir du succès, il vaut mieux choisir très tôt (idéalement, de l’enfance) la discipline dans laquelle nous souhaitons nous spécialiser.

En continuant à cumuler de manière délibérée jusqu’à 10 000 heures, on finit par devenir des experts du sujet. Et c’est le meilleur chemin possible vers le succès.

Mais est-ce que c’est vraiment le cas ? Qu’est-ce qui se passe si vous êtes curieux et passionnés de plusieurs disciplines, et décidez de changer de domaines professionnels au cours de votre vie, même plusieurs fois ?

Dans son livre « Range, Pourquoi les généralistes triomphent dans un mode spécialisé », David Epstein analyse un vaste éventail de domaines et disciplines, en partant du sport pour terminer à la recherche scientifique, en passant par l’art, la médecine, ou les jeux vidéos.

Preuves à l’appui, il souhaite remettre en question la croyance que pour réussir professionnellement, le meilleur, et peut-être le seul chemin possible, est celui de se spécialiser au maximum. En réalité, même dans un monde d’experts, cultiver plusieurs intérêts, et se familiariser avec plusieurs disciplines, peut se révéler un vrai atout dans le monde professionnel.

Si vous êtes nature curieuse, et que vos passions évoluent au cours du temps, c’est peut-être une très bonne chose pour votre carrière !!

En étudiant en profondeur le parcours des athlètes d’élite, les chercheurs ont constaté que parmi les champions, ceux qui avaient commencé très tôt à pratiquer de manière intense leurs disciplines n’étaient pas forcément la règle.

Au contraire, au début, bon nombre d’entre eux consacrent moins de temps à la discipline dans laquelle finissent par devenir des champions. Dans leur jeunesse, ils passent souvent par une « période d’échantillonnage » pendant laquelle ils pratiquent divers sports, pas forcément de manière très encadrée. Cela leur permet de développer un large éventail de compétences physiques qui leur sera utile plus tard, ils se familiarisent avec leurs capacités et leurs préférences, et ce n’est que plus tard qu’ils se concentrent et intensifient la pratique technique dans un seul domaine.

Dans un mode professionnel plus classique, beaucoup de monde pense que plus tôt on choisi un domaine de spécialité, et plus longtemps on le pratique, meilleurs seront les résultats que l’on pourra obtenir.

Mais dans beaucoup de cas, passer du temps au début de sa carrière pour expérimenter différentes options, et se spécialiser plus tard, une fois que l’on a trouvé un job qui correspond bien à nos compétences et personnalités, peut à la longue se révéler une stratégie gagnante.

Certes, si on regarde les premières années, ceux qui se lancent très tôt dans une spécialité, avancent plus vite et prennent de l’avance en terme de carrière et de salaire. Mais le désavantage des généralistes, qui trouvent leur spécialité plus tard, se réduit à fut et à mesure et finit par s’inverser dans beaucoup de cas.

Plusieurs recherches montrent que avec le temps les experts hautement qualifiés peuvent réduire leur ouverture d’esprit, et même s’ils gagnent en confiance, leurs performances ne s’améliorent pas forcément avec l’expérience. Elles peuvent même régresser.

L’organisation du travail d’aujourd’hui, orientée vers l’hyperspécialisation, conduit les organisations à créer des petits groupes d’experts. Cela porte à une optimisation de chaque petite pièce du puzzle, mais finit par augmenter le risque que personne n’arrive plus à avoir la photo d’ensemble. Et c’est là que les généralistes apportent toute leur valeur.

Grâce à leurs différentes expériences, ils apprennent à fonctionner par analogies.  C’est à dire qu’ils arrivent à transposer dans leur activité actuelle des compétences acquises dans les domaines qu’ils ont pratiqué par le passé. Et ils ont beaucoup plus de facilités que les hyper-spécialistes à imaginer des approches nouvelles, innovantes pour adresser le problème qu’ils doivent résoudre.

Cela est une approche très efficace en terme d’innovation. Dans un monde spécialisé, l’approche d’innovation consiste souvent à chercher de nouvelles prouesses technologiques. Grâce à une technique toujours plus complexe, on essaie de repousser les limites de ce qui est possible.

Avec une approche plus généraliste, par contre, puisqu’on n’a pas les compétences suffisantes pour pousser les limites techniques, on est obligés de regarder le problème sous un angle différent, on cherche la solution par ce que l’on appelle « la pensée latérale »

L’image utilise par le mathématicien Freeman Dyson, en terme de recherche, est la suivante : notre monde est à la fois large et profond. Pour le comprendre, nous avons besoin d’oiseaux et de grenouilles. Les oiseaux volent haut, et scrutent des larges portions du paysage ; ils aiment  résoudre les problèmes en mettant ensemble des concepts et des idées qui proviennent de régions mêmes lointaines entre elles. C’est l’approche des généralistes.

Les grenouilles vivent très proches du sol, ce qui leur permet de voir dans tous leurs détails les fleurs qu’elles ont à proximité. Elles aiment bien aborder les problèmes un par un, et les résoudre en explorant les choses aussi en profondeur que possible. C’est l’approche des experts.

Nous avons besoin des deux approches. Penser que les oiseaux soient meilleurs que les grenouilles parce qu’ils voient plus loin, ou que les grenouilles soient meilleures que les oiseaux parce qu’elles voient plus profond, ça n’a pas de sens.

La meilleure manière d’avancer est que les oiseaux et les grenouilles travaillent ensemble pour l’explorer.

L’auteur remet en question même l’utilité et la pertinence de la vitesse d’apprentissage, surtout au départ. Nous pouvons penser que, si on apprend vite quand on commence à nous intéresser à un sujet, cela signifie que nous sommes doués, et que c’est probablement un bon signe quant à nos résultats futurs.

Mais en réalité, dans beaucoup de cas, apprendre plus lentement permet de construire des connaissances durables. Cela est lié à l’approche que l’on utilise : afin de consolider l’apprentissage d’un nouveau sujet, nous pouvons avancer de 2 manières.

La plus commune consiste à pratiquer des procédures : on apprend un déroulé que l’on peut exécuter, et qui nous permet d’arriver au résultat recherché. Par cette approche, nous avons l’impression d’avancer assez vite, dès le départ. On a l’impression d’être en maîtrise. Mais cette approche est à la fois étroite, et à court terme.

Etroite parce que on a mémorisé des règles qui s’appliquent à une situation spécifique, mais nous n’avons pas suffisamment approfondi pour savoir reconnaître des situations similaires dans lesquelles ces mêmes règles peuvent s’appliquer. Nous avons mémorisé un code qui nous permet d’ouvrir une seule porte.

C’est aussi une approche cour terme parce que à distance de quelques mois, quelques années, si nous n’avons pas continué à pratiquer régulièrement, nous aurons probablement oublié la procédure et nous ne serons plus en mesure de résoudre ces mêmes problèmes. Nous aurons oublié le code.

La deuxième approche d’apprentissage, moins commune, permet d’apprendre les choses de manière plus durable, plus flexible. Cela consiste à avancer en faisans des connexions avec des concepts plus généraux, plutôt qu’exécuter une procédure que l’on a apprise. Nous ne fonçons pas tout de suite vers la solution en exécutant une procédure efficace qu’on nous a donné. Nous prenons le temps de  nous efforcer à trouver une réponse par nous-mêmes. Nous sommes obligés à comprendre la structure du problème devant nous, à faire des analogies vers des concepts similaires que nous connaissons déjà, afin de trouver une réponse.

Et peu importe si la première réponse à laquelle on arrive est erronée. Maintenant que l’on s’est efforcé à résoudre le problème par nous-mêmes, nous sommes prêts à apprendre la bonne procédure, et à la retenir plus longtemps.

C’est le concept des difficultés désirables : des obstacles qui rendent l’apprentissage plus difficile, plus lent et probablement plus frustrant dans le court terme. Mais cette approche nous apprend à comment retrouver, plutôt que mémoriser, le code qui ouvre la porte. Et pas que d’une seule : nous apprenons aussi à reconnaître d’autres portes dont le code se retrouve de la même manière.

Ouvrir la première porte est plus lent, laborieux, par cette méthode que si on nous donnait le code tout de suite. Mais nous ne risquons plus de l’oublier, et nous saurons ouvrir plusieurs portes.

Dans la méthode d’apprentissage par exécution de procédure, si on ne veut pas l’oublier, nous avons besoin d’une pratique constante. Dans la méthode d’apprentissage par la création de connexion, faire passer du temps entre des sessions de pratique aide à mieux comprendre et retenir. En plus de la pratique délibérée, nous pouvons bénéficier de la non-pratique délibérée.

Pour un apprentissage à long terme, la répétition est moins efficace que l’effort : plus vous devez vous efforcer dans l’immédiat, plus l’apprentissage sera durable. 

Cette capacité à créer des connexions entre des situations différentes n’est pas utile que au moment de l’apprentissage. Cela est aussi très pertinent quand nous devons faire des choix.

Des études psychologique montrent que face à une situation nous avons une tendance naturelle à adopter une « vision interne », c’est à dire que notre interprétation et nos jugements, et donc les choix que l’on est capables d’envisager, se basent uniquement sur les détails de la situation précise dans laquelle nous nous trouvons.

Limiter notre réflexion à une seule situation spécifique impacte négativement notre analyse, et la pertinence de nos choix. Pour contrebalancer notre tendance naturelle à la vision interne, nous pouvons élargir la réflexion en cherchant systématiquement la « vision externe ».

Nous pouvons chercher des analogies avec d’autres situations, dans des domaines différents, qui ont des similitudes structurelles profondes avec la situation devant nous.

La difficulté de cette approche est qu’elle est contre-intuitive : elle nous demande de mettre volontairement de côté les spécificités de la situation dans laquelle nous nous trouvons, et nous fier davantage de situations similaires, dans des domaines différents. Nous avons tendance à nous focaliser plus sur ce qui rend cette situation unique, et différente d’autres situations, plutôt que sur ce qui la rend similaire à d’autres.

Plus nous avons une connaissance approfondie de la situation, plus nous sommes familiers avec tous ses détails, plus il nous sera difficile d’abandonner notre vue interne.

Afin de booster notre créativité, et chercher des approches innovantes pour résoudre nos problèmes, il est très utile de prendre un peu de temps avant de se lancer dans l’identification des options possibles par une vue externe.

Il suffit de se rappeler de faire des liens, des analogies avec d’autres problèmes similaires, pour enrichir grandement l’éventail des options qui nous viennent à l’esprit. Et plus l’analogie est distante, plus elle nous permet d’avoir des idées originales.

Peu importe dans cette première phase si les liens avec d’autres situations nous semblent très loin de nos préoccupations actuelles, ou même si elles se basent sur des domaines très disparates : c’est bien ça l’intérêt !

Cette capacité à puiser dans des domaines différents, à adopter une pensée latérale pour chercher la solution à un problème, peut se cultiver. Cela est possible par la pratique « amateur » de domaines qui suscitent votre intérêt. On donne souvent une signification négative à la notion d’« amateur », que l’on oppose à la notion de professionnel.

Mais être amateur n’a rien de négatif : cela signifie se dédier à une activité, s’intéresser à un domaine, juste pour le plaisir de le faire, pour l’intérêt ou la passion que nous pouvons avoir vers cette activité. Il n’y a pas d’autres finalités que notre plaisir lui-même.

La société actuelle nous pousse souvent à chercher un profit, un retour sur investissement dans les activités que nous faisons. Cultiver un intérêt ou une passion juste pour le plaisir de le faire peut être vue comme une perte de temps.

Et c’est sûrement le cas dans les pratiques amateurs, au moins pendant un certain temps. Mais à fur et à mesure que nous élargissons nos compétences, que nous nous familiarisons avec des nouveaux domaines, il nous est de plus en plus facile de créer des liens entre notre domaine professionnel et nos passions, nous sommes en mesure de faire des analogies entre des mondes différents.

Nous pouvons prendre nos compétences, et les appliquer à un tout nouveau problème. Ou nous pouvons prendre notre problème, et essayer de le résoudre par des toutes nouvelles compétences.

Cela représente une énorme valeur ajoutée que l’on peut apporter, en tant que généraliste, à un mode de spécialistes, pour qui est difficile d’établir ces liens, ces analogies.

Cela ne veut pas dire qu’être des généralistes est mieux que d’être des experts. Comme on l’a vu, dans le monde on a besoin à la fois d’oiseaux et de grenouilles. Le message de David Epstein est plutôt de vous rassurer si vous n’avez pas la nature du spécialiste : votre curiosité, vos intérêts différents représentent une vraie valeur.

Si le sujet de votre valeur professionnelle vous intéresse, je vous conseille de voir la vidéo dédiée au livre « l’employé riche » de James Altucher, ou « aimer son travail », de The school of life.

A très vite, pour de nouvelles idées !!


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