L’INCROYABLE origine de nos ÉMOTIONS : nous avons tout faux !

Avez-vous déjà eu l’impression d’être totalement submergés par des émotions, de manière instantanée, imprévue. Et d’avoir réagi, face à ces émotions, sans que la partie rationnelle de votre cerveau ne puisse intervenir ? D’avoir agi d’instinct, de manière automatique ?

Et comment évaluez-vous votre capacité à lire les émotions des autres, par l’expression de leur visage, leur regard, leur posture corporelle ? Savez-vous dire si vos proches sont tristes, joyaux, effrayé, en colère, juste en les regardant ?

Beaucoup de scientifiques ont essayé de comprendre comment notre cerveau ressent et gère les émotions, ils ont longuement cherché à découvrir leur empreinte digitale sans réussir à la trouver.

Et si toutes nos émotions, mêmes les plus intenses, n’étaient en réalité qu’une seule, grande construction de notre cerveau ?

Opposition entre émotions et raison : le faux modèle

Une des plus grandes narratives sur les émotions, surtout dans le monde occidental, est de croire que nos émotions soient un élément de notre personnalité souvent en opposition avec la rationalité. Une vision scientifique assez rependue est de proposer un modèle du cerveau en trois niveaux, qui correspondrait à 3 moments successifs de notre évolution :

  1. Le cerveau reptilien, la partie plus ancienne, en charge des fonctions vitales de notre corps, comme la digestion ou le battement du cœur. Tous les animaux auraient cette partie.
  2. Le système limbique, commun à tous les mammifères, en charge de la création et de la gestion des émotions. 
  3. Et le néocortex, la partie le plus récente, en charge de la pensée consciente et de la rationalité.

Selon ce modèle, quand 2 de ces parties sont stimulées au même moment, c’est toujours la partie la plus ancienne d’un point de vue évolutif qui « gagne » sur la partie la plus récente. Les émotions, qui se trouvent au milieu, sont donc plus fortes que notre pensée rationnelle, et moins fortes que nos fonctions vitales.

L’avantage de ce modèle est qu’il est simple à comprendre, et qu’il semble corroborer notre expérience quotidienne. Le problème avec ce modèle est que plusieurs expériences scientifiques montrent qu’il est faux.

Lisa Feldman Barrett, neuroscientifique et psychologue, parmi le 1% des chercheurs le plus citées au monde par ses travaux sur le cerveau et les émotions, propose un modèle alternatif sur le vrai fonctionnement du cerveau. Elle présente ce modèle dans le livre « Comment sont créées les émotions ».

Source des émotions : pas de zones dédiées dans le cerveau

Malgré des décennies d’études et d’observations sur le fonctionnement du cerveau, les scientifiques n’ont jamais réussi à identifier précisément la zone du cerveau en charge d’une émotion donnée. Ils n’ont jamais réussi non plus à identifier avec précision quelle est l’empreinte digitale d’une émotion d’un point de vue biologique.

En effet, chaque instance d’une certaine émotion peut avoir des expressions corporelles très différentes. Si on considère la colère, par exemple, on peut l’exprimer à travers un comportement agressif, en haussant le ton de voix, ou encore l’exprimer de manière froide, posée. On peut même la ressentir sans l’exprimer du tout, ou même sourire à cause de notre colère.

La même émotion peut donc s’exprimer de manière très différente. Et l’inverse est vrai aussi : une même réaction physique peut exprimer des émotions très différentes. Pleurer, par exemple, peut être la conséquence d’une grande tristesse, mais aussi d’une grande joie et aussi une manière d’exprimer sa colère.

Et cette absence de signature ne se limite pas uniquement au comportement extérieur. La même chose est vraie pour les variations de notre état biologique ou l’activité du cerveau. Il n’y a pas une seule zone cérébrale en charge d’une émotion, et différentes instances d’une même émotion peuvent activer des zones cérébrales différentes.

S’il n’y a pas une signature précise dans notre cerveau, et s’il n’y a pas un lien univoque entre une réaction corporelle et une émotion, comment est-ce que cela fonctionne ? D’après Lisa Feldman Barrett cela se passe par un processus de « construction émotionnelle » par notre cerveau.

La simulation et l’anticipation par le cerveau

Oui : nos émotions ne sont pas « ressenties » par notre cerveau. Elles sont tout simplement « créés » par le cerveau, comme résultat de ses activités de simulation et de prévision.

Commençons par regarder comment notre cerveau gère des inputs sensoriels. Si on considère notre vue, par exemple, le cerveau ne se limite pas à analyser ce qui est perçu par notre système visuel pour ensuite réagir à ce que nous avons vu. Ce mode de fonctionnement, où nos yeux regardent d’abord, notre cerveau analyse ensuite, et décide de la réponse appropriée à ce qu’il a vu, nécessiterait de temps avant de réagir à ce qui se passe, et ne serait pas suffisamment performant pour garantir notre survie. 

Le cerveau a besoin d’anticiper ce qui pourrait se passer, pour se préparer en avance. Donc, de manière continue et pour nous totalement inconsciente, le cerveau ne se limite pas à analyser ce que le système visuel lui envoie. Il fait des prévisions à chaque instant de ce que nous pourrions voir, et envoie des signaux à notre système visuel en lui indiquant à quoi il peut s’attendre.

D’une certaine manière, notre cerveau simule ce que nous allons voir avant que notre système visuel ne lui envoie d’informations. Et si jamais ses prévisions sont erronées, il va les corriger par la suite.

Ce même fonctionnement de simulation et anticipation se passe pour l’ensemble des inputs sensoriels externes, comme les sons, le toucher, les odeurs. Et aussi pour l’ensemble des inputs sensoriels internes, comme le battement du cœur, les sensations des organes, nos muscles et notre système nerveux.

Le besoin d’anticipation est tellement important que les circuits nerveux qui permettent à l’information d’aller du cerveau vers le corps ont une capacité 10 fois plus grande que les circuits qui permettent à l’information de voyager dans le sens inverse. 

Le choix des information à filtrer par le cerveau

Votre état physique actuel, ce que vous voyez, entendez, votre état interne, correspondent au résultat de la simulation de votre cerveau par rapport aux inputs reçus précédemment. Et votre état dans quelques instants, sera l’évolution de cette simulation en prenant en compte les feedbacks que le cerveau reçoit de votre corps.

Lors de ses prévisions, le cerveau analyse une multitude de possibilités de ce qui pourrait se passer, et retient finalement la prévision qui lui semble la plus probable. Pour évaluer la probabilité de chaque prévision, il prend en compte un large spectre de sources d’information : à la fois les inputs sensoriels internes, externes, nos pensées et aussi nos émotions.

Pour ce travail constant d’anticipation et de simulation, le cerveau a besoin à la fois de le réaliser rapidement, et aussi de limiter la consommation énergétique. La quantité d’informations disponibles à chaque instant est trop importante pour tout prendre en compte. Le cerveau est donc obligé d’utiliser des mécanismes qui lui permettent de fonctionner de manière efficace.

Un premier mécanisme consiste à choisir les informations sur lesquelles se concentrer, et celles qu’il peut ignorer sans que les conséquences ne soient pas très graves. Pour que le choix soit le meilleur possible, le cerveau utilise les expériences que nous avons vécus précédemment.

C’est la raison pour laquelle, par exemple, des personnes qui vivent à proximité d’une voie ferrée ou d’un aéroport finissent par ne plus entendre le bruit des trains ou des avions. Leur cerveau a appris que ces inputs ne sont pas pertinents pour le fonctionnement de leur vie quotidienne, et finit par les ignorer. Et le résultat surprenant est que, avec ce filtre, ces personnes n’entendent vraiment plus ces bruits, alors que pour une personne non habituée, ils sont tellement forts qu’ils semblent impossibles à ignorer.

La catégorisation par le cerveau

Un deuxième mécanisme qui permet au cerveau de fonctionner de manière efficace est la catégorisation. Au lieu de simuler et anticiper chaque input sensoriel séparément, le cerveau les gère de manière coordonnée, grâce à des concepts qui ont un sens global.

Si je reprends mon exemple précédent d’un train ou un avion qui passe à proximité, les conséquences ne se limiterons pas au bruit. Les vitres ou le sol de la maison peuvent vibrer, nos yeux peuvent voir le train ou l’avion passer, des personnes non habituées pourraient être surprises, etcetera.

En utilisant le concept de la catégorie « un avion ou un train qui passe », le cerveau va anticiper par simulation non seulement le bruit qu’il va entendre, mais aussi toutes les autres conséquences. Quand l’événement a lieu, il aura bien anticipé tout ce qui allait se passer.

Les erreurs d’anticipation et l’apprentissage

Bien sûr, pour que la capacité de prévision du cerveau soit utile et efficace, le cerveau doit limiter au maximum les erreurs d’anticipationCela est possible grâce à l’apprentissage. Un nouveau-né, par exemple, est exposé à tellement de stimuli différents qu’il ne sait pas encore bien interpréter, que ses capacités d’anticipation sont très limitées.

Avec le temps, il arrivera à donner du sens à ce qui se passe autour de lui, à ses propres sensations, aux interactions avec les autres. Ses prévisions vont s’améliorer, et les erreurs d’anticipation se réduisent. Jusqu’au moment où il est exposé à un contexte complétement différent, où ses capacités d’anticipation sont à nouveau limitées tant qu’il ne sera pas familier avec la situation.

En tant qu’être social, ce travail d’apprentissage ne se réalise pas de manière isolée. Quand on est enfants, mais aussi à l’âge adulte, si nous nous retrouvons dans un contexte que nous ne savons pas bien anticiper, les personnes autour de nous, déjà familières avec ce qui se passe, sont de grand aide pour notre cerveau pour améliorer son travail d’anticipation.

En observant leur réaction et leur comportement, nous avons des indices très utiles pour choisir aussi une réponse appropriée. Et l’utilisation du langage joue un rôle majeur pour faciliter cet apprentissage.

Pouvoir mettre des mots sur ce qui se passe, et le communiquer, rend le processus de catégorisation et de compréhension beaucoup plus rapide et subtil.

La simulation et l’anticipation des émotions

Mais qu’est-ce que tout cela a à voir avec les émotions ? Et bien, les émotions que nous ressentons, comme les pensées d’ailleurs, ne sont pas la réponse ou la réaction automatique à certains stimuliElles sont le résultat de l’anticipation et de la simulation que notre cerveau considère les plus appropriées dans une certaine situation.

Notre cerveau ne ressent pas une émotion, il la crée comme la prévision la plus probable dans un contexte donné.

Il considère que l’explication la plus probable du contexte dans lequel il se trouve et des inputs sensoriels qu’il ressent est de ressentir une certaine émotion. Sur la base de cette conclusion, il anticipe ce qui va se passer après, quelles sensations il va ressentir et quels comportements sont indiqués. 

Pour que cela fonctionne, pour que ce qui se passe puisse avoir du sens, le cerveau a besoin de connaître le concept derrière une émotion. Savoir ce qui est la peur, dans quelles situations elle est censée se produire, et quels types de réactions sont associés à cette émotion, permet une meilleure anticipation des input sensoriels et des comportements à prendre dans une certaine situation.

Le poids de la culture dans les émotions

Les émotions ne sont donc pas une réponse automatique et innée à des stimuli. Elles sont le fruit de la simulation du cerveau sur la base des concepts qu’il connaît. Il y a une composante culturelle et éducative très forte dans nos émotions.

Dans certaines sociétés par exemple, on ne retrouve pas des émotions qui existent ailleurs, et au contraire des émotions précises existent qui ne se retrouvent pas dans d’autres cultures. Et ce n’est pas qu’un même ressenti porte de noms différents, c’est vraiment qu’une certaine expérience émotionnelle existe ou n’existe pas selon la culture.

Il y a des exemples de l’influence culturelle et environnementale sur les inputs sensoriels. Par exemple, non seulement les Eskimos utilisent 40 mots différents pour indiquer la couleur qu’un Européen appellerait « blanc ». Ils ont une sensibilité visuelle plus marquée que d’autres peuples sur cette couleur. Pour réussir à « voir » ces couleurs, un Européen devrait entraîner son système visuel.

Et de même avec des sonorités différentes dans des langues différentes. Par exemple, non seulement certaines sonorités asiatiques n’existent pas dans des langues latines, mais en plus un natif d’une langue latine n’arrive pas à les entendre.

Alors qu’une personne qui parle cette langue entend clairement des sons voir des mots différents, une personne qui n’est pas familière avec ces sons est incapable de les distinguer. Elle « entend » le même son.

Et c’est de même pour les émotions. Pour pouvoir les ressentir et les reconnaître, elles doivent exister dans notre propre culture, ou alors nous devons nous exposer à des nouvelles cultures pour apprendre l’existence d’autres émotions, et nous devons nous familiariser avec elles pour les ressentir.

La richesse des émotions

Bien sûr, plus nous disposons de concepts précis pour comprendre et indiquer une émotion, plus notre vie émotionnelle sera riche, et plus notre cerveau sera meilleur dans la simulation et la prédiction des émotions. Un peu comme avec les Eskimos qui arrivent à voir 40 couleurs différentes avec des mots précis alors qu’un Européen ne voit qu’une seule couleur, le même est possible avec les émotions.

Si nous disposons d’un vocabulaire émotif réduit, avec peu d’émotions associées à des concepts génériques, notre expérience émotive sera aussi réduite.

On ne ressentira pas la même richesse et subtilité d’émotion si nous ne disposons que du mot « joie » pour indiquer des émotions plus précises, comme par exemple gaîté, confiance, satisfaction, sérénité ou apaisement.

Afin d’enrichir notre vie émotive donc, il convient enrichir nos concepts émotifs avec des nouveaux mots. Nous pouvons aussi entraîner notre cerveau à faire évoluer ses prévisions dans une direction qui nous convient davantage.

Par exemple, nous associons deux émotions très différentes comme l’anxiété et l’enthousiasme à aux mêmes sensations corporelles. Nous décidons que nous ressentons une émotion ou l’autre selon le contexte dans lequel nous nous trouvons. Mais s’il ne s’agissait en réalité que d’une fausse différence ? Qu’est-ce qui changerait si, au lieu de décider que ce que nous ressentons est de l’anxiété, nous décidions qu’il s’agit d’enthousiasme ?


Voilà, vous connaissez désormais comment le cerveau créé nos émotions, d’après le livre « Comment sont créées les émotions » de Lisa Feldman Barrett. Il s’agit d’un livre passionnant, que je vous conseille vivement de lire.

Alors, quelle est votre propre expérience avec vos émotions ? Qu’en pensez-vous de ce modèle ? Laissez un commentaire ci-dessous.

Si le sujet du cerveau vous intéresse, je vous propose de voir la vidéo dédiée au livre « Libérez votre cerveau » de Idriss Aberkane. Si vous préférez le sujet des émotions, regardez la vidéo dédiée au livre « Maîtrisez vos émotions » de Thibault Meurisse.

A très vite pour des nouvelles idées !! 


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